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15 mars 2008 6 15 /03 /mars /2008 22:40

Un bagage culturel trop bien garni, c'est parfois lourd à porter. 
Des références intellectuelles se peuvent faire aussi envahissantes dans un texte que des étiquettes de voyages sur une valise : 
on finit par n'en plus voir la couleur d'origine.
Pour garder à sa veine tout son flot créateur, délions les mots :
- de leurs affinités éculées : c'est là qu'un peu de pensée aide.
- du poids des concepts et des discours trop didactiques : 
c'est là que trop d'étude pèse.

Je préfère les bouquets de fleurs sauvages aux fleurs de serres trop bien cirées.

Mais ne crachons pas sur l'Alma Mater. 
Eriger l'ignorance en vertu n'est qu'un des combles du snobisme.
Simplement, il faut avoir osé se salir les mains à la glaise de la vie, 
tremper le feu de son savoir dans l'eau glacée des luttes de survie,
pour endurcir l'acier de sa plume servant dehors.
Car de trop blanches mains ne font souvent qu'un blanc-manger un peu douceâtre.
 
(Petit hommage en réponse à Lephauste : 

"Dans un joug aussi on peut dans le secret de l'esprit tailler des pointes de flèches et les endurcir au feu de la révolte et de l'amour. Qui sont à quelques lettres près le même et unique sentiment, le sentiment de vivre en homme."


et Jonavin.)

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29 février 2008 5 29 /02 /février /2008 06:54
Sans le verbe, l'âme au désert se condamne au silence radio.
Les mots rendent sensibles les longueurs d'ondes où soufflent les âmes.
Mais chaque esprit a sa propre fréquence.
Tant qu'on ne l'a pas trouvée, on n'entend qu'un inintelligible grésillement.

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28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 21:21
C'est incroyable comme le discours officiel est difficile à déstabiliser 
quand il s'asseoit dans un lourd fauteuil de cuir.
Ce n'est pas que le siège fasse la classe, on n'est pas dans le train.
Mais il semblerait que les trônes bien rembourrés n'amortissent pas que le postérieur : les sons aussi n'arrivent plus aux oreilles du trop bien assis que feutrés, distants et déformés.
Plus le coussin est mou, plus l'oreille est dure.
Cuir sous les fesses, bois sur la langue et dur de la feuille.
Soit que le visiteur se laisse impressionner par tant de froide onctuosité, comme l'aliéné épuisé qui s'arrêterait de crier dans une chambre capitonnée.
Soit que, malgré la résistante argumentation du visiteur,
 tout corps assis sur son despotisme 
se voie aussitôt affligé d'une surdité aiguë. 
L'abus de pouvoir est dangereux pour l'audition.
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24 février 2008 7 24 /02 /février /2008 21:42
Figure de style fait oeuvre utile.
C'est bien vain d'espérer qu'une idée ne survive 
Si les mots qui la servent ne font que marcher
Bien alignés, bien sagement allant au pas.
Si l'on veut la graver dans le marbre des lois,
Et la semer dans la terre meuble des esprits,
Il faut danser avec les mots sur leur naissance,
Il faut offrir à la parole la danse du sens.
La ligne droite s'oublie, s'annule sitôt franchie.
Tout se résume au chronomètre de l'efficace.
Mais du chemin ne reste plus aucune trace.
La course au sens se résume à l'instant du trajet.
Proférée, aussitôt elle meurt dans l'oubli, dans l'ennui.
Les circonvolutions, virtuoses sinuosités, 
Badinage artistique, impressionnent le regard
Et célèbrent le beau pour honorer le vrai.

Comme en dessin, tout est affaire de trait.
Slogan n'est pas coutume : "Abstraction, trahison. 
Non aux déKantations. Oui à l'incantation."
J'ai longtemps cru 
que tout bon philosophe se devait d'effacer,
comme traces d'un crime, 
toutes les circonstances entourant la naissance 
de l'idée, pour la garder, pure et intacte, 
dans les limbes de l'universel abstrait.
Mais que peut la sécheresse du squelette obtenu, 
trop sec même pour que le formol veuille de lui ?
Désincarner les mots, c'est les tuer, pauvres bêtes !
Leur ôter la chair, leur couper leurs racines, quelle barbarie !
L'aridité du discours transforme le penseur en marcheur au désert.
Comment croire un instant que l'indigent précipité qui subsiste
Puisse encore abreuver le lecteur à la source,
Si son auteur y a tari le souffle vif sitôt puisé ?


Que l'on me pardonne de redécouvrir le fil à couper le beurre, 
mais c'est l'enfance de l'art. Ca semble aller de soi ? 
Simple considération posthume 
devant les cadavres des carnets adolescents qui gisent, 
inertes dans leurs concepts en cendres, fossiles séchés, 
réduits en poudre comme un herbier mal conservé.
"Pulvis es, et in pulvis reverteris, dit l'image à l'idée.
Iconoclaste, tu as cru te passer de mes services ?
Bien mal t'en a pris, pauvre chose décharnée.
Plus jamais ne danseras sur les vagues aiguës de la langue."

Et voilà comment je redescendis, à cheval sur mes principes,
de la montagne du philosophe et des sommets arides du pur concept,
vers les verdoyantes prairies des belles vertes, euh, des belles lettres.

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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 08:46
Les plus anciens documents écrits de l'humanité découverts à ce jour sont, si je ne m'abuse, des inventaires de commerçants ou d'administrateurs. 
Puis il fallut inventer le style pour introduire la présence du sujet parmi ces objets graphiques. Et le secrétaire devint auteur. 
J'aime ce rôle premier de l'écriture, qui sauve de l'oubli la liste de ce qui existe, marchandises ou idées, bien matériels ou richesses de l'esprit.
L'écriture est depuis toujours structurée par ces deux pôles : l'inventaire et la communication. La conservation et l'action.
J'avoue avoir longtemps préféré le premier, et je ne conçois le lien noué avec le lecteur que nourri de cet entrepôt intime sans lequel il n'est que vain bavardage.
A la question traditionnelle "Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ? ", que Bobin et Gracq me le pardonnent, ce n'est pas un de leurs chefs d'oeuvre que je choisirais. C'est un dictionnaire. Le Robert et ses citations pour chaque mot. Celui des noms propres si je ne peux avoir les deux. J'aime cette liberté offerte de flâner dans les allées du savoir, de butiner les fleurs des mots et de les féconder  de relations incongrues ou évidentes. Quadrillage limpide et subtil.


Rien de tel que chercher un corps perdu pour en trouver un autre.
Rien de tel que manipuler l'ordre des choses pour les ressusciter.
Objet perdu inventorié est à moitié retrouvé. 
Administration du souvenir.
C'est quand on perd qu'on nomme souvent.
La grandeur du langage, celui qui ne peut se remplacer par le doigt qui  montre, c'est dire l'absence. C'est dans ce gouffre sans fond que se déploie la gloire de la métaphysique et des romans d'amour courtois.
Ce n'est guère à la femme qui vaque dans la pièce voisine qu'on écrit des poèmes, mais à la dame isolée dans sa tour d'ivoire et sa contrée lointaine.
Et le ciel vide est si vaste qu'il est le lieu rêvé pour accueillir tous les concepts en mal de Terre.



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15 février 2008 5 15 /02 /février /2008 21:58
Il paraît que le sens peut danser sur les mots,
Et les faire rendre l'âme au son des grandes eaux,
Qui résonnent au rythme des lignes de chant.
En virtuose des langues, l'écrivain sème au vent.

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5 février 2008 2 05 /02 /février /2008 23:07
Entre deux mots, il faut choisir le moindre.
Se nourrir de vocables allégés en dérivation. Préférer les radicaux libres.
Un taux excessif de suffixes ou préfixes dans le corps de la phrase nuit à la bonne circulation du sens.

Quand le nom dérive du verbe, mieux vaut user du verbe. 
Quand le substantif prime et que le verbe en descend, usons du nom.
Quand l'adjectif est premier, laissons-le passer.

Allier la fluidité du verbe à la densité minérale des noms galets où coule la rivière en phrases.
Que l'eau ricoche et ondule, et prête ses reflets à la pierre lisse et dure.
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29 janvier 2008 2 29 /01 /janvier /2008 22:10

A-t-on jamais trouvé jouet plus fabuleux que le langage ?
Seul jeu laissé à la portée des damnés d’Auschwitz et d'ailleurs. 
Combien les mots en ont-ils sauvés de l’abandon et de la folie, griffonnés à la sauvette sur des brisures de papier écorché ?
Langage. L’homme sans la bête.
Intégralement gratuit si l’on oublie ce qu’il a coûté de jubilatoires efforts pour l’acquérir.
Merveilleusement léger. Sans poids et sans volume. 
Voyageur sans bagages mais si riche.
Absolument infini dans les multiples combinaisons qu’il offre aux mots de se féconder entre eux. Nul jeu de Mécano, nul Kamasutra n’offre autant de possibilités.

« En desserrant de son mieux les règles mécaniques d’assemblage des mots, en les libérant des attractions banales de la logique et de l’habitude, en les laissant « tomber » dans un vide intérieur à la manière de ces pluies d’atomes crochus qu’imaginait Lucrèce, en mettant son orgueil dans une surnaturelle neutralité, [l’écrivain] observera et suivra aveuglément entre eux de secrètes attractions magnétiques, il laissera « les mots faire l’amour » et un monde insolite finalement se recomposer à travers eux en liberté. »
   Julien Gracq, André Breton, quelques aspects de l’écrivain.


Respecter le langage exige de l’écrivain ce que le musicien obtient de son instrument, le peintre de ses couleurs, ce que le psychologue s’impose avec son patient.
Il faut le faire clamer son si beau sens, le malmener assez pour le pousser dans ses retranchements et en faire surgir la résonance juste, mais ne jamais le disloquer.
Le faire sonner pour que le sens jaillisse vif de ses entrailles, mais non le briser.
Il faut lui permettre de déployer ses plumes, non lui tordre les ailes.
Malaxer sa chair de mots, mais ne pas rompre les os de ses phrases.
L’opulence du vocabulaire reste lettre morte, enfermée dans les moisissures d’un coffre-fort verrouillé au fond d’une cave, sans la force d’une belle et saine grammaire pour la porter.
Faire fuser les verrous des (mal-)façons de parler, mais ne pas pulvériser les joyaux de son âme.

Version bavarde du roseau pensant de Pascal : le roseau parlant.
Maîtriser le langage, 
c'est maîtriser ce qu'on connaît et qu'on ignore du monde.
Dire un échec, c'est le transformer en demi-victoire.
Comme un enfant qui chante dans les ténèbres pour conjurer sa terreur.

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27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 10:29
Personnifier les choses dont on parle,
ce n'est pas céder à un anthropomophisme complaisant.
C'est exalter la finalité propre et la pente de chaque être, 
quel que soit son règne :
minéral, végétal, animal. 
C'est refuser d'octroyer au seul humain l'apanage de la volonté,
car il y a une orientation, une inclination des choses hors de la subjectivité.
C'est rendre la vie aux êtres inertes.
C'est donner la parole aux choses muettes.
C'est faire oeuvre de démiurge, tout simplement. 
Et allons-y gaiement dans le mégalomaniaque.

NDLR : Ce n'est pas moi qui parle, c'est le Surmoi, 
quelque part un peu plus haut,
dont le sous-moi se rit bien assez, rassurons-nous. 
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22 janvier 2008 2 22 /01 /janvier /2008 16:45
Il faut à la pensée de l'autorité pour être entendue, à l'écrit comme à l'oral.
Il faut croire à ce qu'on dit avec assez de force pour emporter la foi des autres.
L'auteur, auctor, c'est celui dont la parole fait autorité,
auctoritas.
Et c'est bien sûr à la force des mots qu'il règne, non par celle de la contrainte.
Evidence ainsi dite, mais si frêle en pratique.
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